LA SIRÈNE D’ISÉ

Hubert HADDAD

Editions Zulma
CONTEMPORAIN/POESIE 2021

Quatrième de couverture:

À la pointe sud de la baie d’Umwelt, loin du monde et hors du temps, le domaine des Descenderies a accueilli des générations de patientes. Né de la fragile Leeloo, Malgorne grandit sous la houlette de Sigrid, entre incompréhension et possession jalouse. Il trouve bientôt refuge dans le dédale de l’extravagant labyrinthe d’ifs, de cyprès, de pins et de mélèzes imaginé par le Dr Riwald. S’il n’entend ni le ressac ni les vagues qui se déchirent sur les brisants, Malgorne se nourrit des vents et scrute sans fin l’horizon.
Depuis l’ancien sémaphore, Peirdre sonde elle aussi chaque soir l’océan, hantée par la voix d’une amie disparue. Son père, capitaine au long cours, fait parfois résonner pour elle les cornes de brume de son cargo de fret.

C’est sur la grève, un matin, devant le corps échoué d’une étonnante créature marine, que Peirdre et Malgorne forgent soudain l’espoir du retour d’autres sirènes.


Un institut de santé mentale à l’écart du monde a pour mérite une relégation tactique des patients, lesquels en éprouvaient rancœur et animosité sans autres préjudices. Aliénés ou pas, quand on contrevenait aux règles d’urbanité, les Edmond Dantès eux-mêmes étaient traités ici au cocktail lytique, à l’injection à effet retard, voire au patch morphinique. Moins radicale et plus insidieuse, la vague de froid avait l’avantage d’engourdir les cerveaux et les cœurs. Cet esratz d’hibernation évitait bien du tracas au personnel, ce qui lui permettait de prendre un peu de distance avec un quotidien lunaire d’une irrémissible cruauté. 


Plus qu’un personnage central, c’est un lieu autour duquel gravite tout le roman. Ce bâtiment initialement réservé à des patients malades, voit au fil du temps sa propre existence mise en danger. La maladie qui le ronge est l’érosion, cette mer infatigable qui vient lécher puis dévorer la falaise sur laquelle il s’élève. Tout fini par sombrer dans les eaux. Leeloo, la femme mystérieuse à la beauté envoûtante, ou toutes les patientes avant elle qui ont trouvé la porte dérobée menant au précipice des flots.

Comme l’appel des sirènes, l’envoûtement que créé la mer sur ceux qui la côtoie est impossible à contrecarrer. Qu’importe la force de volonté qu’aura mis le Dr Riwald à façonner son labyrinthe pour réussir à sauver ses patients de la folie, l’appel du large est le plus fort. La folie est omniprésente entre les murs de l’ancien hôpital, mais est-ce le lieu ou l’écho de l’ocean qui les entraîne ?


N’est-elle pas la fille du vent et de la mer ? 

Il est tentant de voir toute la poésie de ce livre à travers le prisme des actions et des évènements qui sont liés au destin. Rien n’arrive pas hasard, tout est toujours voulu, tout s’embrique. Le fils de Leeloo, Malgorne, est né sourd. Pourtant sa mère tombée dont ne sait où avait tout de la sirène, rappelée à sa nature profonde un soir de tempête. Amusant de voir que l’appel envoûtant des sirènes n’aura de prise sur lui, ni celui du large. Ces deux mythes si présents dans le roman sont d’autant plus incroyables que Malgorne les ressents sans en avoir conscience. Il sait qu’il y a un monde au-delà de sa surdité, mais qui lui est inaccessible. Lui qui est protégé des dangers par son infirmité, ne peut que constater également tout le malheur d’en être exclus.


Et si la vie n’était qu’une dispersion illusoire de mésaventure et d’incidents sans suite, si en fait tout ce qui nous arrive racontait une histoire inscrite dans les étoiles et le sable des mers ? 


La sirène d’Isé c’est accéder à cette passion de la mer, cette envie de plonger dans les abysses pour se méler aux flots. Un peu comme le mythe original de la petite sirène, elle qui se transforme en écume, se brisant éternellement sur les coques des navires, à la recherche de son amour perdu. Tant de beauté et de poésie en ces pages. Un hymne à la mer, au temps qui s’écoule et entraine tout dans son sillage. Une merveille à découvrir.


Il aurait pu se prendre au jeu, s’énamourer de l’apparition, recouvrer en elle l’image première au fin profil, la femme qui lui avait donné tout ce qu’on ne peut reprendre et qu’il aimait toujours et maudissait à chaque seconde. 


★★★★★

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